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Canada: Le maître du génie chimique traditionnel est marocain

© D.R

Professeur titulaire, membre du conseil d’administration de l’Ecole Polytechnique de Montréal et de plusieurs sociétés savantes, Jamal Chaouki est un exemple d’intégration et de réussite. Détenteur de 22 brevets d’invention, il se passionne pour le recyclage des déchets et sa notoriété en la matière est mondiale.

Exceptionnel et passionnant! C’est ainsi que l’on peut qualifier le  parcours de Jamal Chaouki, professeur au département de génie chimique et directeur du Centre de recherche en ingénierie des procédés à l’Ecole Polytechnique de Montréal. Né dans un quartier populaire de Casablanca et d’origine modeste, ce scientifique que l’on peut qualifier de savant est aujourd’hui l’un des plus grands chercheurs en génie chimique traditionnel (1) dans le monde. C’est aussi au sein de la diaspora marocaine un exemple d’intégration réussie au Canada. Membre du conseil d’administration de l’Ecole Polytechnique de Montréal, il est à la tête d’un des meilleurs laboratoires au monde dédiés au traitement thermique.

Et pourtant, ses débuts au Canada étaient plutôt difficiles. «Ici, rien n’est donné, il faut faire ses preuves!», souligne-t-il. C’est à force de travail sans relâche, de courage et de patience qu’il a fait sa place. Aujourd’hui, ses compétences sont reconnues aux quatre coins du monde. Outre ses fonctions au sein de Polytechnique, il est, entre autres, consultant d’une vingtaine de compagnies à travers le monde. Malgré son emploi du temps chargé et ses nombreux engagements professionnels, le professeur Chaouki montre une écoute très attentive à tout interlocuteur. C’est aussi avec passion qu’il nous parle de son domaine d’expertise que sont les déchets. Sur ce plan pour lui aussi, «rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme».

«Dans l’industrie quand un produit est fabriqué, 75% de ce qui est produit sont des déchets. Par la suite 60 à 70% des 25%, qui représentent la matière produites, se retrouvent en déchets dans moins d’un an», avance-t-il. «C’est juste pour dire à quel point on risque d’être envahis par les déchets», renchérit-il. Recycler les déchets en tout genre est devenu ainsi son cheval de bataille. Recyclage du plastique, recyclage des pneus… avec lui et son équipe, c’est no limit! A entendre le professeur Chaouki parler de ses inventions, on a l’impression que chaque matière peut avoir une vie sans fin. Au Maroc, avec l’Office chérifien des phosphates (OCP), c’est sur le recyclage du soufre utilisé pour s’attaquer aux roches que travaille le chercheur.

«Le Maroc achète entre 500 et 800 millions de dollars dépendamment du coût du soufre pour faire de l’acide sulfurique destiné à attaquer la roche de phosphate pour la dépourvoir du calcium. C’est ainsi aue 20 millions de tonnes de phosphogypse (soufre + calcium) qui sont jetées à la mer chaque année car pour chaque tonne de phosphate produite, ce sont 4 à 5 tonnes de calcium qui se lient au soufre dans l’opération d’extraction», explique le professeur Chaouki. Aujourd’hui le moyen est trouvé pour séparer le soufre du calcium et pour que ces deux éléments soient utilisés indépendamment.

Au niveau du soufre ce sont de vraies économies d’échelle et une indépendance du marché mondial qui pourraient être réalisés puisque le déchet industriel pourra être réutilisé de nouveau pour l’extraction du phosphate. Quant au calcium extrait de la roche, il peut être exploité par l’industrie des ciments et générer ainsi des gains. Mais l’intérêt d’une telle démarche scientifique n’est pas uniquement à ce niveau il est aussi environnemental. Le projet de recyclage du soufre va permettre à OCP d’éviter de verser du phosphogypse dans la mer. Pour l’heure, ce sont deux brevets d’invention sur ce traitement qui ont été déposés par le chercheur et un de ses étudiants au profit d’OCP. Les inventions devraient se traduire par la mise en place d’une unité pilote au Maroc dans le cadre d’un partenariat entre l’Ecole Polytechnique et OCP. En gestation depuis deux ans, le projet est aujourd’hui au stade de la signature du contrat de partenariat.

(1) Le génie chimique traditionnel porte sur la conception des procédés industriels dédiés à des domaines tels que la pétrochimie et la chimie fine.

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Parcours
Titulaire d’un diplôme d’ingénieur en génie des procédés à l’ENSIC Nancy en France en 1979, Jamal Chaouki a obtenu un doctorat à l’École Polytechnique de Montréal en 1985. Il a été engagé comme professeur adjoint en 1987, puis agrégé en 1991 à l’École Polytechnique de Montréal. Depuis 1995, il est professeur titulaire dans la même école. Il a formé plus que 80 chercheurs au 3ème cycle  et au doctorat et supervisé les travaux de plus de 40 chercheurs post-doctoraux et professeurs visiteurs.

Il a publié plus de 350 articles scientifiques dans des revues avec comités de lecture, plus de 400 autres articles scientifiques et édité 6 livres. Sans compter qu’il possède 22 brevets d’invention. Distingué à maintes reprises, il détient plusieurs prix scientifiques. Il est l’éditeur du journal scientifique «International Journal of Chemical Product & Process Modeling». Il a organisé plusieurs congrès internationaux. Entre autres, il était directeur scientifique et technique du 8ème Congrès mondial du génie chimique en août 2009. Actuellement, directeur du Centre bioraffinage, il supervise  33 chercheurs. Il est aussi membre de plusieurs sociétés savantes, dont l’Académie du Génie du Canada et l’Ordre des Ingénieurs du Québec. Il est aussi membre du conseil d’administration de l’École Polytechnique et de plusieurs compagnies tels que Ecolomondo Inc., et Hibe Inc. Quelle est la clé de sa  réussite? A la question, il répond sans hésitation et avec beaucoup d’humilité: «les autres». Pour lui les échanges avec les personnes qu’il côtoie sont une richesse qui le fait avancer. «Sans les autres nous sommes rien. Il faut toujours écouter ce que disent les autres, ils peuvent toujours nous apporter beaucoup».

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Capter le CO2
«La réduction du réchauffement climatique passe par la récupération du CO2 produite par nos usines, cimenteries et autres centrales thermiques». C’est ce que préconise le professeur Chaouki pour réduire les gaz à effet de serre et éviter de dépasser le seuil critique des 2 degrés de réchauffement du climat d’ici 2100. Le chercheur qui travaille profondément sur cette problématique précise qu’il y a cependant un défi à relever pour capter le CO2.

La problématique, en effet, réside dans la séparation du CO2 et de l’azote car la combustion, effectuée en présence d’air (contenant 79% d’azote), produit non seulement du CO2, mais aussi de l’azote et de  processus, précise-t-il. Dans cette démarche, trois solutions peuvent être envisagées, respectivement avant, pendant et après la combustion. La première qui consiste à brûler les hydrocarbures à l’oxygène pur permettant d’éliminer la production d’azote coûte excessivement cher car l’oxygène pur est très dispendieux, indique le chercheur. La deuxième méthode qui se situe durant la combustion repose sur une introduction de l’hydrocarbure dans un premier réacteur, et l’air dans un second compartiment. «Séparés par un solide qui sert à fixer puis transporter l’oxygène vers un hydrocarbure, ce processus, testé sur 700 solides différents, ne s’est pas encore avéré vraiment efficace», expose le Pr Chaouki.

La troisième solution qui se réalise après la combustion est, de son avis, la technique la plus au point. Les gaz de combustion sont plongés dans une solution d’amines pour dissoudre le CO2 et éliminer l’azote sous forme gazeuse. La solution chauffée permet de libérer le CO2 sous forme de gaz. Mais cette méthode nécessite d’énormes quantités d’énergie. «Une centrale thermique au charbon ainsi équipée consomme 20 à 25% de son énergie pour séparer le CO2, le comprimer puis le stocker. Or, le charbon extrait pour ce faire cause plus de tort que de laisser échapper le CO2 dans l’atmosphère», explique-t-il. Aussi la meilleure façon de réduire nos émissions, reste de consommer moins pour économiser l’énergie, ajoute le chimiste.

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