Economie

Majida Maârouf: Nous avons un potentiel qui dépasse les prévisions de Halieutis

© D.R

L’ANDA a été créée en 2011, elle totalise aujourd’hui presque 4 ans d’activité. Pouvons-nous parler à ce stade de bilan?
 

Majida Maârouf : Il est vrai que l’ANDA a été créée en 2011, j’ai moi-même été nommée vers fin 2011 et toute l’année 2012 a été consacrée à l’opérationnalisation de l’Agence. Elle a connu les premiers recrutements et la mise en place des moyens logistiques pour son fonctionnement. On peut dire que nous n’avons réellement démarré notre activité qu’à partir de 2013. En ce qui concerne le bilan, je suis très satisfaite. Pour une jeune agence, nous avons très rapidement mis en place les structures et lancé en parallèle de grands chantiers tels que les plans d’aménagement aquacole, le code juridique, l’opérationnalisation du guichet unique, des études de marché pour les produits aquacoles, etc. Notre objectif au démarrage était d’avoir nous-mêmes de la visibilité sur le secteur pour pouvoir accompagner les investisseurs.
 

Est-ce que nous pouvons dire aujourd’hui que l’ANDA a trouvé sa place parmi les acteurs du secteur ?

Franchement, j’estime que nous sommes très appréciés. Nous essayons de travailler en concertation avec tous les départements concernés.
D’ailleurs, pour les plans d’aménagement nous avons mis en place des comités de pilotage régionaux. Pour nous, c’est la meilleure manière de nous rapprocher de la population et des institutions locales, mais également de faire connaître le secteur de l’aquaculture. C’est un secteur assez méconnu, et nous en profitons pour faire de la vulgarisation. Sinon, nous avons un bon feedback de la part de nos partenaires, je sens que nous sommes bien logés.

Pourquoi l’aquaculture est-elle toujours aussi méconnue ?

C’est surtout vrai dans le contexte marocain. Jusque- là, il n’y avait que la pêche, alors qu’à l’étranger, un poisson sur deux est issu de l’aquaculture. Au Maroc, on a très peu de produits aquacoles, ils sont pratiquement inexistants par rapport à la pêche. Lorsque les consommateurs voient la mention «produit d’élevage», ils se méfient un peu alors que je peux vous dire que la qualité des poissons d’élevage est excellente, c’est exactement la même que celle des produits de la pêche. La seule différence c’est que l’un est un poisson qui nage dans un milieu ouvert et l’autre qui nage dans une cage et qui est nourri par des aliments choisis et contrôlés.

L’aquaculture soulève, même dans les pays où elle est très développée, beaucoup de questions quant à son impact sur l’environnement. Quelles sont les mesures que vous prenez dans ce sens ?

Je sais que l’aquaculture a très souvent été décriée comme une activité polluante. Je pense que cette idée vient surtout de l’incompréhension de l’activité. L’aquaculture est un élevage. S’il se fait dans les règles de l’art, il n’impactera pratiquement pas le milieu. Par exemple, s’il s’agit d’une ferme avec beaucoup d’intrants, il faut qu’elle soit installée dans un milieu où il y a une bonne courantologie, un bon changement des eaux parce que, dans ce cas-là, la mer se chargera de tout diluer. Quand il s’agit d’un milieu fermé ou semi-fermé, il faut choisir une aquaculture qui consomme du milieu mais rejette très peu. Ce sont des équilibrages qu’il faut faire avant de lancer l’investissement, sachant que tous les projets aquacoles sont soumis aux études d’impact sur l’environnement et font l’objet d’un plan de suivi environnemental. C’est une activité très encadrée sur le plan environnemental. L’objectif de notre agence est surtout de développer une activité pérenne, et il n’y a pas de pérennité sans respect de l’environnement.

Vous travaillez actuellement sur des projets dans cinq régions du Maroc, à quel stade sont-ils ?

Ces régions couvrent à peu près toute la côte marocaine, mais nous travaillons par ordre de priorité. Nous avons démarré par Dakhla parce qu’elle a un grand potentiel et qu’elle attire beaucoup d’investisseurs. Nous avons estimé la capacité de charge de la baie de Dakhla, puis nous avons lancé l’étude qui est maintenant dans sa phase finale. Nous examinons actuellement les plans d’aménagement avant de lancer l’investissement. La même démarche a été entreprise à Agadir. Quand je dis Agadir, je veux dire la région qui s’étend d’Imessouane à Sidi Ifni. La même année, nous avons lancé la méditerranée qui recèle, elle aussi, un grand potentiel. Le problème avec ce dernier projet, c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’espace à terre et c’est une réelle contrainte parce que chaque ferme en mer a besoin d’un pied-à- terre. Malheureusement, la côte méditerranéenne a connu une grande urbanisation et d’autres activités se sont installées sur la côte. Dans cette région-là, nous essayons d’identifier les espaces à terre à partir desquels on peut faire des projections en mer. En deuxième degré de priorité viennent les autres régions que nous sommes en train d’étudier. Nous venons de lancer les plans d’aménagement, mais les études peuvent durer jusqu’à deux ans.

En quoi consistent au juste ces études qui précèdent le lancement des projets ?

C’est assez costaud comme étude parce qu’il s’agit d’examiner tous les paramètres. Heureusement que nous pouvons compter sur l’expertise de l’INRH (Institut national de recherche halieutique, ndlr) qui dispose d’une infrastructure appropriée. Ils ont un bateau de prospection qui s’occupe de toutes les mesures, chose que l’investisseur ne peut pas faire tout seul. Nous faisons également tout un diagnostic sur l’occupation de l’espace pour éliminer les zones exclues d’avance, comme les ports, les zones déjà affectées à d’autres activités, etc. A partir de là, nous étudions les paramètres du milieu pour concentrer encore plus l’espace utilisable. C’est assez complexe comme démarche, mais c’est à l’Etat de le faire, parce que quand l’investisseur arrive avec son projet en main, il s’attend à rapidement trouver le lieu et les conditions idéales.

Quel est le volume des investissements dans l’aquaculture jusqu’à aujourd’hui ?

Depuis que l’agence est là, nous avons un grand projet qui s’installe à Dakhla pour un montant de 70 millions de dirhams. On a également des projets qui attendent la validation de leurs études d’impact sur l’environnement. Globalement, depuis la création de l’agence, le montant global d’investissement est autour d’1 milliard de dirhams. C’est du moins ce qu’on a sur les dossiers d’investissement. Il s’agit essentiellement de projets de pisciculture et de coquillages. Les plans d’aménagement prévoient également la filière d’algoculture. Elle renferme un grand potentiel et je pense que nous pouvons faire un tonnage important pour cette activité.

Est-ce que vous pensez pouvoir atteindre les objectifs du plan Halieutis dans les temps ?

Je pense qu’à l’horizon 2020, nous aurons défini le potentiel réel des côtes marocaines. Il faut savoir qu’avec le potentiel d’Agadir et de Dakhla, nous sommes déjà à 200.000 tonnes. On va voir ce que donnera le reste des plans d’aménagement, mais nous sommes en train de découvrir que nous avons un potentiel qui dépasse les prévisions de Halieutis. La question est de savoir sur ce potentiel-là, combien sera exploité.

Cela dépendra de l’investissement et de l’offre Maroc. Il faut savoir que c’est un investissement assez lourd, très capitalistique, et ne s’aventureront que les personnes averties et qui disposent de moyens importants, à moins que l’Etat ne mette en place un dispositif d’aide pour l’investissement.

Je pense que c’est un passage obligé si nous voulons réellement atteindre ces objectifs. Nous avons fait un benchmark international, et nous avons compris que tous les pays qui ont pu rapidement développer leur aquaculture avaient mis en place un dispositif d’aide aux investisseurs. Si on veut se positionner dans le marché international, nous devons faire la même démarche, sinon plus parce que nous sommes en retard.

Cinq centres aquacoles pour la période 2013-2017

Si les plans de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA) prévoient d’aménager des fermes aquacoles tout le long des côtes marocaines, ses efforts se concentrent actuellement sur cinq régions principales, identifiées comme recelant un potentiel aquacole important et axées autour de quelques villes côtières.
Il s’agit de la Méditerranée orientale, avec la lagune de Marchica, la baie d’Al Hoceima, celle de Cala Iris en plus de la terra basse de Moulouya; de la région du Souss-Massa-Drâa, notamment autour de la ville d’Agadir avec les baies d’Agadir et de Imessouane; de la région de Oued Eddahab-Lagouira avec les baies de Dakhla et de Cintre; de la région de Tan Tan-Boujdour avec la lagune de Khnifiss et la terre basse de Sebkhass; et enfin la région d’El Jadida avec les lagunes de Oualidia et de Sidi Moussa ainsi que la zone humide Doukkala-Abda.

Le lancement de plan d’aménagement pour des projets aquacoles dans ces cinq zones a débuté en 2013, avec la Méditerranée orientale, la région du Souss-Massa-Drâa et celle de Oued Eddahab-Lagouira. En 2014 ont été lancés les plans d’aménagement d’Imessouane et de la région de Tan Tan-Boujdour.    

Que prévoit le plan Halieutis pour l’aquaculture?

Le plan Halieutis a été lancé en 2009 avec l’objectif de développer la compétitivité du secteur de la pêche maritime au Maroc tout en garantissant sa durabilité. «Faire de l’aquaculture un moteur de croissance majeur», est l’une des ambitions du plan s’inscrivant dans son axe «durabilité». En chiffres, Halieutis prévoit la production de 200.000 tonnes de poissons d’élevage à l’horizon 2020 pour un chiffre d’affaires de 5 milliards de dirhams. Un objectif pour le moins ambitieux si l’on considère que lors de la décennie qui a précédé l’année 2006, la moyenne annuelle de production était de 700 tonnes, et que lors des années qui ont suivi (jusqu’à 2010), elle n’a pas dépassé les 500 tonnes.

Le plan Halieutis prévoit également une diversification de la production. Alors que le loup et la dorade étaient les principaux, voire les seuls, produits aquacoles du Maroc, il s’agit aujourd’hui d’intégrer diverses formes d’élevage: dorades, loubards, moules, palourdes, coquillages ou même les algues. Si l’objectif des 200.000 tonnes semble réalisable vu le potentiel important que recèlent les côtes marocaines, il reste tributaire d’un bon nombre de facteurs clés tels que le développement de la recherche scientifique, la facilitation des investissements et l’élaboration d’un cadre juridique adéquat.

 

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