Société

Gestion et réformes des différents régimes de retraite au Maroc: Au chevet du 3ème âge

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La couverture retraite au Maroc est assurée par cinq régimes à caractère général. Un régime obligatoire pour les salariés du secteur privé géré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), un régime obligatoire pour les fonctionnaires titulaires de l’Etat (civils et militaires) et des collectivités locales représenté par la Caisse marocaine de retraites (CMR), le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR) qui, lui, est obligatoire pour le personnel des établissements publics et employés temporaires des collectivités locales ainsi qu’un régime complémentaire facultatif pour les salariés du secteur privé géré par la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraites (CIMR). A cela s’ajoutent deux caisses internes, celle de l’Office national de l’électricité et des régies de distribution d’eau et d’électricité et celle de Bank Al-Maghrib. Ces caisses sont gérées différemment et leur mode de calcul de pension n’est pas le même. Une hétérogénéité qui rend leurs réformes, une à une, encore plus difficiles.

Les problèmes qui pèsent sur le système de retraite au Maroc sont nombreux et majeurs. Le premier est à caractère démographique. Le Maroc étant en phase de ce que les démographes appellent «post-transition» qui conduirait à un déclin démographique, plusieurs déséquilibres font surface. D’un côté, la population connaît une baisse remarquable de la part des actifs et d’un autre, avec l’amélioration des conditions et l’allongement de l’espérance de vie, l’on assiste à une montée de la population dépendante de troisième âge.  Ces facteurs ont naturellement des conséquences sur l’équilibre des caisses de retraite mais ne peuvent en aucun cas être considérés comme le seul facteur explicatif des difficultés des caisses car, selon les chiffres du HCP, au total la part des personnes âgées de 60 ans et plus n’est pas inquiétante. Elle ne représente aujourd’hui que 9% de la population. Toujours est-il qu’un grand nombre de Marocains ne bénéficie d’aucun système de retraite. La faille serait-elle propre à la gestion de ces caisses ?

Le ratio cotisant/bénéficiaire interpelle

S’il y a à peu près 15 années de cela, les caisses affichaient un excédent de 1%, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Le déficit ne cesse de se creuser. Une étude réalisée par le Haut-Commissariat au Plan du Maroc (HCP) a mis le doigt sur ce point sensible en indiquant que ce fossé entre les pensions de retraites versées et les contributions prélevées sur les salaires des employés pourrait représenter un déficit estimé à 7,4% du PIB en 2050. La Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS) avait annoncé en 2012 que le nombre des actifs cotisants pour les quatre principales caisses, à savoir la CNSS, la CMR, la RCAR et la CIMR était de 4,1 millions et les bénéficiaires étaient au nombre de 1,3 million. Cependant même si la situation est très différenciée d’une caisse à l’autre, ces cotisations n’assurent aucune garantie d’équilibre sur les années à venir.

Quant aux réserves, des études faites à la demande du gouvernement démontrent qu’elles connaîtront un épuisement à l’horizon 2021 pour la CMR, 2.049 pour le RCAR et 2.037 pour la CNSS. Pour sa part, la commission technique chargée de la réforme des retraites a mené une étude faisant état d’une dette implicite globale de ces régimes qui avoisine les 1.200 milliards de dirhams. Un chiffre qui donne froid au dos. Il représente l’équivalent de 3,75 fois la dette publique du pays, ce qui, à son tour équivaut à 1,46 fois le PIB.
Face à cette situation, des mesures correctives doivent être adoptées. Il faut toutefois préciser que la question des réformes ne date pas d’hier. Le soulèvement de ce débat en 2004 déjà a accouché d’un comité national chargé de la réforme des systèmes de retraite. Ce comité qui fonctionne sous l’égide du gouvernement a procédé à plusieurs diagnostics des différents régimes sans que cela soit suivi d’une quelconque réforme au niveau gouvernemental. Dix années après la création de cette entité, cette paralysie gouvernementale suscite des questions malgré le grand intérêt que semble porter au sujet des caisses le parti islamiste au pouvoir, emmené par Abdelilah Benkirane. Ce dernier l’a clairement exprimé, il ne compte pas lâcher prise sur sa vision des réformes des caisses de compensation et celle de retraite quitte à voir sa popularité en payer le prix. «Je ne renoncerai pas à la retraite, quel qu’en soit le prix», avait-il annoncé il y a une année de cela.

Début juin 2014, Benkirane a présenté devant la commission nationale chargée de la réforme des retraites une série de mesures urgentes à prendre pour que les régimes ne basculent pas davantage dans le rouge. Il s’agit entre autres d’une hausse du taux de cotisation de 20 à 28%, de la définition d’un salaire moyen pour le calcul des pensions ainsi que de l’allongement progressif de l’âge légal du départ à la retraite de 60 à 65 ans sur la base d’un semestre supplémentaire par an. Dans une déclaration antérieure à Aujourd’hui le Maroc, le secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT), Miloudi Moukharik, avait exprimé son avis sur ces mesures. «Nous avons toujours appelé à ce que la réforme paramétrique des caisses de retraite prenne en compte la pénibilité des métiers puisqu’on ne peut pas contraindre un fonctionnaire exerçant un métier difficile de travailler plus. A côté de cela, nous sommes pour le volontariat des fonctionnaires qui doivent décider eux-mêmes de l’âge du départ à la retraite».

Concernant la hausse du taux de prélèvement comme plan de sauvetage des caisses en crise, la même source explique : «Les responsables ne cessent de répéter que la CMR sera déficitaire à la fin de cette année. Il ne faut pas oublier que le taux de cotisations dans cette caisse a déjà été augmenté de trois points pour atteindre 10%. Nous pensons que la problématique de cette caisse est une problématique de gouvernance». Le débat s’annonce long et le processus de réforme qui on l’espère aura lieu, ne le sera pas moins. Toutefois, si l’on se limite à des mesures telles l’élévation de l’âge du départ à la retraite et l’augmentation des contributions du citoyen sans pour autant se pencher sur la qualité de gouvernance des caisses, cette réforme aurait un risque. Celui de faire porter son coût à un segment réduit d’une population qui n’a pas les épaules assez larges pour en soutenir la charge.

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