Société

La tragédie des victimes de Skhirat

© D.R

Les familles des victimes de Skhirat luttent contre l’amnésie. Elles multiplient les communiqués, les rencontres, les réunions. Elles crient fort pour briser le silence gêné qui pèse sur leur dossier. L’AFVES rassemble les familles des personnes tombées dans le putsch manqué du 10 juillet 1971 à Skhirat. Ces familles n’ont pas bonne presse. Elles étaient trop du côté du pouvoir pour bénéficier du capital de sympathie de ceux qui ont précipité à la mort de leurs pères.
Depuis 2000, date de la création de l’AFVES, ses membres ont été reçus par tous les groupes parlementaires, à l’exception du RNI. Ils ont fait part de leurs doléances, jeudi, aux députés de l’Union Constitutionnelle (UC). “Tous les députés que nous avons vus nous ont expliqué que notre cause est la leur“, déclare à ALM Saâd Ghannam, président de l’AFVES. Il ajoute que l’AFVES a frappé à toutes les portes, y compris à Instance Equité et Réconciliation.
Pourtant pas de réponse. Ce qui explique peut-être le ton de plus en plus révolté de leurs revendications : “Je conteste et dénonce le silence assourdissant sur le dossier des familles des victimes des événements de Skhirat . Nous sommes toujours dans l’oubli, nous les familles de ceux qui ont été tués au cours de l’attentat du 10 juillet 1971 au Palais royal de Skhirat. Nous revendiquons le droit inéluctable et inaliénable à l’indemnisation“, déclare Saâd Ghannam.
Humainement, la situation des familles est tragique. Au vrai sens de la tragédie grecque – celle qui confronte haine et pitié. Abdejllil Asli est fils aîné du capitaine Boujemaâ Asli, mort à Skhirat. Il y a trois ans, l’auteur de la mise à mort du capitaine Asli a publié ses mémoires. Mohamed Raïss a décrit, avec des détails précis, la mort du capitaine Asli. “Mon père est mort deux fois. Une première fois à Skhirat et une seconde fois dans les pages de son assassin“, déclare Abdejllil Asli à ALM. Il ajoute que sa famille a ressenti de “l’humiliation“ à la lecture des pages de Mohamed Raïss. “La personne qui a tué mon père est fière de son acte. C’est un héros ! Alors que nous nous sentons acculés à nous terrer, à avoir honte. On nous pousse de partout à revêtir le mauvais rôle dans l’Histoire“. Abdejllil Asli est employé dans une société de boissons gazeuses. Il subvient aux besoins de ses trois soeurs, toutes au chômage. Il explique que ses soeurs vivent dans une baraque à Salé dont le toit suinte les jours de pluie. La situation de cette famille est d’autant dramatique que les enfants du capitaine Asli n’ont pas touché de pension versée aux veuves des victimes du putsch raté. Leur mère est morte onze mois avant les événements de Skhirat.
Cette pension n’aurait pas suffi de toute façon à changer la situation de la famille Asli. Selon le président de l’AFVES, les sommes versées aux familles ne dépassent pas 2500 DH pour les veuves des très hauts gradés et sont de l’ordre de 600 DH pour les autres. Le père du président de l’AFVES occupait le poste de directeur du Centre cinématographique marocain. Sa mère perçoit une pension de 776 DH ! Quant aux indemnisations que les familles ont perçues directement après les événements, elles sont de l’ordre de 180 000 DH pour les généraux et vont décroissant jusqu’à atteindre 30 000 DH pour les familles des personnes qui travaillaient dans les cuisines.
Les familles des victimes de Skhirat font partie de l’Histoire du Maroc au même titre que ceux qui ont souffert de la disparition forcée, de la détention politique ou de l’exil. La réparation du tort qu’elles ont subi est légitime, au même titre que celle des “meurtriers“ de leurs pères.

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