Société

Qui sont nos corrompus ?

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Il ne faut pas se leurrer. La corruption continue de faire des ravages au Maroc mais peu de personnes osent la dénoncer. Les chiffres du Centre d’assistance juridique anti-corruption (Cajac) parlent d’eux-mêmes. Le Centre n’a reçu que 267 plaintes durant le premier semestre 2015. Le Centre de Rabat a enregistré 163 réclamations contre 50 à Fès et 54 à Nador.

Il faut noter que depuis 2013, les réclamations ont considérablement diminué passant de 972 à 736 en 2014. Cette baisse peut s’expliquer par le sentiment du manque de sécurité chez les dénonciateurs. En effet, les Marocains ne se sentent pas protégés. Et par conséquent, ils ne voient pas d’intérêt à dénoncer les cas de corruption.

Dans son rapport, le Cajac liste les courriers envoyés en 2015 aux différentes administrations mises en cause afin de s’informer sur les irrégularités dénoncées et de prendre les mesures nécessaires à leur égard. Au total, 39 correspondances ont été envoyées aux autorités administratives. La plupart ont jugé inutile d’y répondre. Sur 39 courriers, il n’y a eu que 7 réponses (ministère de l’emploi, Inspection générale de l’administration territoriale du ministère de l’intérieur (2 réponses), Inspection générale du ministère de la justice et des libertés (2), Inspection générale du ministère de la santé, Direction des affaires rurales du ministère de l’intérieur).  Dans le détail, la Direction Générale des impôts qui a reçu le 2 février 2015 une correspondance du Cajac n’a pas répondu à la requête d’information. Idem pour l’Ordre des avocats de Tanger qui n’a pas réagi.

La Direction des affaires rurales du ministère de l’intérieur, le ministère de l’économie et des finances, le ministère des affaires générales et de la gouvernance ont préféré faire la sourde oreille plutôt que de répondre au Cajac. Le service d’inspection et de contrôle de la gendarmerie royale, la Direction générale de la sûreté nationale, la Direction des affaires pénales et des grâces du ministère de la justice et des libertés, le Haut-Commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification  n’ont pas été coopératifs.

Le gouverneur de la province d’El Hajeb qui a reçu le 29 janvier une correspondance puis une lettre de rappel le 13 avril n’a pas voulu répondre. C’est aussi silence radio chez le gouverneur de la province de Berrechid, le gouverneur de la province de Chichaoua et le gouverneur de la province d’Azilal. Quant au caïd de l’arrondissement Louizate à Fès, celui-ci a refusé d’accuser réception du courrier. A la suite du refus, le centre a adressé une correspondance au wali de la région Fès-Boulemane le 1er avril.

Pour ce qui est des secteurs les plus touchés par la corruption, le document indique que la gendarmerie arrive en tête (12%). Viennent ensuite la police et la justice (10% pour chacun), l’habitat, l’urbanisme et l’immobilier (8%), la santé (6%), le service public (4%), les transports (3%) et l’agriculture (2%). En queue de peloton, on retrouve les forces auxiliaires, l’éducation nationale, la Douane, les marchés publics, les établissements pénitentiaires, l’artisanat et le secteur privé avec respectivement 1% pour chacun de ces secteurs.

77% des plaignants sont des hommes 


 

Selon le Centre d’assistance juridique anti-corruption (Cajac), il semblerait que les femmes soient plus frileuses à dénoncer les cas de corruption. Le rapport du Cajac entreprend une approche par genre, en faisant ressortir une majorité de plaignants plutôt de sexe masculin, à l’heure où les plaignantes se font rares. Ainsi, le document fait état de dénonciations de corruption à hauteur de 77% auprès de la gent masculine, tandis que la population féminine enregistre un timide 19%. Qu’est-ce qui expliquerait cet état de fait ? Il semblerait que si les femmes rechignent à avertir l’instance  anticorruption, c’est probablement parce qu’elles se sentent plus vulnérables et peu protégées.

Des campagnes de sensibilisation inutiles ?

À lire les chiffres du Cajac concernant les plaintes déposées contre les cas de corruption, on remarque que celles-ci ont fortement diminué ces deux dernières années. On peut dès lors se demander à quoi servent finalement les actions de sensibilisation ? Bien que celles-ci soient orchestrées dans l’objectif précis de pousser les citoyens à dénoncer ce fléau, la réalité demeure tout autre.

Les Marocains ont toujours peur de sauter le pas et de saisir les instances concernées à chaque fois qu’ils subissent un abus. Ce qui n’empêche pas le Cajac de poursuivre ses efforts en menant de concert plusieurs actions de sensibilisation, organisées notamment durant le premier semestre de l’année en cours. Dans son rapport par exemple, le centre signale qu’au mois de janvier, une caravane composée de plusieurs acteurs associatifs avait sillonné cinq quartiers de la ville de Nador.

Autre exemple : un Cajac mobile avait été installé dans le souk hebdomadaire de deux communes rurales de la province de Fès. Ce qui avait permis de recevoir les requêtes des plaignants sur place. Une action qui fut couronnée par l’envoi d’une correspondance au service d’inspection et de contrôle de la gendarmerie royale à la suite de quelques dénonciations reçues touchant des membres de la gendarmerie.

Après avoir reçu des plaintes touchant le secteur de la santé, le Cajac a mené des actions de sensibilisation auprès du CHU Hassan II de Fès, du CHU Ibn Sina de Rabat et de l’hôpital Al Hassani de Nador. Notons qu’une demande avait été envoyée à l’administration de l’hôpital. Celle-ci n’a jamais répondu.

 

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