Chroniques

Demain on rêve gratis…

© D.R

La télé venait d’être inventée et n’avait pas encore envahi les foyers, et tout le monde ou presque allait voir des films d’aventure, des films d’amour, des films Western, des films policiers, bref des films de tout genre et pour tout âge, dans des salles obscures, toutes plus belles et toutes plus lumineuses les unes que les autres. Quelle que soit la ville, petite ou grande, où tu vis, il te suffisait de faire quelques pas de chez toi, pour te retrouver à côté d’un guichet au-dessus duquel de grandes affiches t’invitaient à l’évasion à un prix dérisoire.

C’est grâce à ça que nous avons appris, très tôt d’ailleurs, ce que les mots émerveillement et rêve voulaient dire. Et depuis nous n’avions pas arrêté de nous émerveiller et de rêver. Ce qui était beau, c’est que nous étions des millions et des millions à le faire. Pauvres, riches, hommes, femmes, enfants, adultes, jeunes et moins jeunes, nous nous retrouvions, pas toujours à la même place et pas toujours côte à côte, mais, de là où nous étions, nous regardions tous et toutes ensemble en direction d’un seul et même grand écran.

Imaginez, il y a à peine 30 ou 35 ans, il y avait au Maroc un peu moins de 400 salles de cinéma disséminées à travers tout le pays, y compris dans les contrées les plus éloignées et il y avait plus de 45 millions de spectateurs et spectatrices par an, alors que la population totale ne dépassait pas 20 millions. Autrement dit, chaque Marocain ou Marocaine allait en moyenne au moins 2 fois par an au cinéma. Vous voulez les chiffres d’aujourd’hui ? Je vais vous les donner : le Maroc ne compte plus en tout et pour tout que 30 salles concentrées sur 3 ou 4 grandes villes et moins de 3 millions de tickets vendus par an.

Alors,  comme nous sommes officiellement plus ou moins 34 millions, si vous faites le calcul, vous allez trouver qu’il n’y a, très grosso modo, qu’un marocain ou une marocaine sur 10 qui va au cinéma, et encore, qu’une fois par an. Vraiment, il n’y a pas de quoi être fier. Ne me demandez pas pourquoi ni comment nous en sommes arrivés là, ça serait trop long et trop fastidieux à vous expliquer. De plus, je manquerais d’humilité si je prétendais connaître toutes les vraies raisons. Mais, tout ça me fait très mal. Pourtant, je me dis qu’il y a sûrement une solution pour arrêter l’hémorragie et renverser la vapeur. En fait, si j’ai décidé de vous parler de ça aujourd’hui, c’est parce que lundi dernier, j’ai été invité à une première d’un film marocain réalisé par un jeune et talentueux réalisateur dont c’était la première grande œuvre.

La projection a eu lieu dans une belle salle située en plein centre-ville et qui avait connu, jadis, ses grandes heures de gloire. Cette salle, je la connais très bien car j’ai commencé à la fréquenter dès mon plus jeune âge et j’y ai même connu mes premiers émois. Comme elle se trouve sur mon chemin, je passe à côté presque tous les jours, et à chaque fois, je suis triste de la voir souvent vide, et le soir, souvent sombre parce que fermée car la séance a été annulée faute de public. Or, ce lundi soir, non seulement, elle était grande ouverte et merveilleusement illuminée, mais en plus il y avait un monde fou qui se bousculait joyeusement car heureux d’être là, heureux d’être ensemble, heureux de venir voir un film, heureux d’avoir été invité à rêver.

Alors vous allez me dire, comme m’ont dit d’ailleurs certains potes, que s’il y avait autant de monde, c’est sûrement parce que c’était gratuit, et que c’était un film marocain. Peut-être, mais je puis vous assurer que cette même salle, à l’instar d’autres salles dans d’autres villes, connaît parfois une affluence exceptionnelle parce que le film projeté vaut la peine d’être vu. Tout cela pour dire que le public existe, il faut juste lui faire aimer le cinéma, lui créer des salles qui soient proches de lui, et je suis sûr qu’après il va y aller tout seul. On parie ?

En attendant, je souhaite à tous les cinéphiles et à toutes les cinéphiles, d’hier, d’aujourd’hui et de demain, un très bon week-end. Quant aux autres…
Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : pourquoi nos responsables syndicaux sont toujours en train d’embrasser les membres du gouvernement, mais dès qu’ils leur tournent le dos, ils commencent à leur taper dessus ?

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