Culture

Immersion dans le tournage de la nouvelle série «Assayeda Elhorra» à Marrakech

© D.R

Au moment où d’aucuns ont la chance de passer un Ramadan en rassemblement et en spiritualité, d’autres sont contraints de voyager dans le temps et l’espace.
C’est le cas des stars qui se glissent dans la peau de personnages historiques remontant au XVème siècle marqué par le règne d’«Assayeda Elhorra» sur le nord du Maroc. Une dame dont l’appellation est le titre d’une nouvelle série télévisée réalisée par Brahim Chkiri et coproduite par la SNRT et la société Faouzi Vision. Une œuvre qui n’est, cependant, programmée ni pendant ni après ce mois de carême au cours duquel le tournage se déroule dans la ville caniculaire, Marrakech. C’est bizarre ! Alors qu’est-ce qui motive une réalisation dans de telles conditions? Et comment une équipe s’adapte-t-elle à ce tournage en s’affranchissant de ses habitudes ramadanesques ?  Reportage.

Contraintes de production

«Etant donné que toute série se fait obligatoirement entre 16 et 18 semaines, il n’y a pas de raison pour que le Ramadan soit un mois de rupture du travail», explique vendredi à ALM Abderrahmane Tazi, directeur de production de la série dont le tournage, qui se déroule de 13 à 19h et après le Ftour de 21h à minuit ou à 1h du matin au palais Elbahia, a été entamé il y a environ 9 semaines et prévu de s’étaler, en scènes à l’extérieur entre autres, jusqu’à la fin août.
La diffusion étant prévue l’année prochaine sur Al Aoula.
Le réalisateur d’«Assayeda Elhorra», rassemblant environ 200 acteurs y compris les figurants, abonde, à son tour, dans le même sens. «Il fait bon de bosser en Ramadan ! C’est non seulement un mois de spiritualité mais aussi de travail», estime Brahim Chkiri qui dit que sa famille connaît bien son métier et s’adapte donc à tout changement.
Les contraintes à proprement parler ont été soulevées par le 1er assistant du réalisateur.
«Nous sommes tenus de restituer les deux caméras HD à la SNRT», précise Lotfi Ait Jaoui qui estime que ce n’est pas évident de tourner en un Ramadan estival. D’où le choix dudit monument où il fait, selon lui, «frais».

Ce qu’en pensent les artistes

Aux yeux de Sonia Okacha, qui interprète le rôle d’«Assayeda Elhorra», le travail ramadanesque est dur, notamment à Marrakech. «Je ne vous cache pas que c’est la partie la moins agréable de ce tournage, mais on essaie de prendre sur soi !», confie-t-elle. L’avis de l’héroïne est partagé par d’autres artistes dans la série à l’instar d’Azelarab Elkaghat, qui interprète le 1er rôle (Elmendri), et Youssef Ait Mansour se glissant dans la peau d’un conseiller appelé Elkhadir.
Mais ce n’est pas le cas de l’artiste qui incarne un Marocain juif dans «Assayeda Elhorra». Elhoucine Berdaouz, lui, est plus dynamique en ce mois de carême. «Je capte mieux mon dialogue en Ramadan», enchaîne le personnage appelé «Hayim» dans la série en se félicitant de l’ambiance conviviale qui règne sur le tournage de la série dont les acteurs sont habillés par la styliste Zahra Yaacoubi.
… Et les techniciens ?
Sur place, nous avons rencontré Adel Belbachir, parmi une cinquantaine de techniciens à peu près, qui abonde dans le même sens que certains artistes. «Ce n’est pas évident pour moi d’être loin de ma famille en ce Ramadan surtout que j’ai trois jeunes filles. Mais je n’ai pas le choix. Il faut s’y mettre !», estime le technicien de prise de son qui privilégie le travail ramadanesque au lieu de passer la fin de journée à dormir. «Quand je suis chez moi, il m’arrive de faire frire des poissons avant la rupture du jeûne. A Marrakech, j’essaie de garder cette habitude en préparant à manger aux côtés de mes collègues», confie-t-il.     
 
Silence ! On tourne

Dès qu’un artiste arrive sur le plateau après une bonne séance d’habillage et de maquillage qui prend environ 15 min, l’équipe lui réserve un accueil chaleureux. A notre tour, nous avons a eu droit à la même réception en guise d’intégration à l’équipe le temps d’une journée ramadanesque au cours de laquelle 10 à 12 séquences sont tournées tout comme en période normale pratiquement.
Avant d’entamer le tournage en bonne et due forme, une ou deux répétitions ont lieu. A ce moment-là, le réalisateur et son assistant donnent des directives aux artistes quant à leur performance, l’expression de leur visage et corps, ainsi que leur emplacement sur le plateau pendant la séquence.
Même pendant le tournage ultime précédé de retouches de make-up, Chkiri et Ait Jaoui, qui se mettent derrière un écran, n’hésitent pas à demander à un personnage de refaire une réplique. Ainsi, le choix se portera, lors du montage, qui se déroule parallèlement au tournage, sur la bonne performance. Aussi, le réalisateur n’hésite pas à demander au cameraman de «serrer» sur le visage d’un personnage ou une action que celui-ci entreprend. Dès qu’une séquence est terminée, l’équipe passe à une autre et ainsi de suite. Entre-temps, le travelling et les décors sont déplacés en fonction de la scène et la prise décidée par le réalisateur. Le tout étant tourné avec professionnalisme et sérieux mais non sans humour.
L’une des anecdotes de ce tournage, c’était lorsqu’un personnage a dit coupez parce qu’un autre devait faire son entrée sur le plateau !.
Chose qui a fait rire le réalisateur de la série historique s’étalant sur une trentaine d’épisodes. Chacun étant d’une durée de 52 min réalisées par une équipe harmonieuse faisant régner une convivialité tant aux heures de travail qu’aux moments de repas.

C’est l’heure du ftour

A 19h30, certains participants à la réalisation de la série se mettent autour de la table pour rompre le jeûne. Un bon moment pour se rassembler, échanger et se reposer un peu. D’autres préfèrent partir à la résidence des artistes pour se rafraîchir ou éventuellement renouer avec leurs habitudes.
De quoi avoir de l’énergie pour reprendre le tournage en soirée. 

 

Sonia Okacha, une 1ère apparition sur le petit écran

«C’est ma première expérience dans la télévision marocaine puisque j’ai commencé ma carrière dans le cinéma et théâtre», précise l’actrice qui interprète «Assayeda Elhorra». Un rôle dont elle est fière et qu’elle trouve d’un bon apport aux niveaux professionnel et culturel. «C’est une femme qui a eu une vie passionnante et une des premières femmes pirates à avoir navigué, pris le pouvoir et défendu le nord du Maroc», détaille-t-elle en exprimant sa joie de porter de beaux costumes, bien que certains soient lourds et épais, pour les fins du tournage de faits historiques.   

L’acteur qui apprécie son rôle

«Puisque c’est un premier rôle, je l’apprécie», avoue Azelarab Elkaghat, qui veille à bien choisir ses rôles. L’acteur, qui a loué le travail avec le réalisateur, n’a pas manqué de détailler le synopsis de la série dans laquelle il incarne le rôle du gouverneur. «Elmendri était marié à Fatiha, un rôle interprété par Latefa Ahrrare, avant d’épouser Elhorra. Un deuxième mariage qu’il a entrepris pour avoir un héritier, mais en vain puisque «Assayeda Elhorra», issue d’une mère espagnole, a eu une fille. Face à cette situation, Elmendri lui apprend à gouverner avant sa mort. Lorsque celui-ci décède, elle épouse le sultan des Ouatassides en provenance de Fès», a raconté Azelarab Elkaghat qui compte également à son actif des participations à des productions étrangères.

Lkhadir, le conseiller à la forte personnalité

Youssef Ait Mansour, de son vrai nom, qui s’est glissé dans la peau du conseiller du gouverneur Elmendri, a tenté d’enrichir le personnage qu’il a interprété. «J’ai essayé de donner une forte personnalité au rôle de conseiller», a-t-il précisé en avouant avoir été à l’aise dans son rôle.

Hayim, le rôle de ses rêves

Elhoucine Berdaouz, qui a incarné le personnage de Marocain juif, a exaucé son souhait. «J’ai toujours rêvé d’interpréter ce rôle», a-t-il exprimé en rappelant que son interprétation est celle d’un cordonnier tentant d’accéder au palais de par son métier. «Il prépare une belle babouche qu’il offre au gouverneur pour que celui-ci l’offre, à son tour, à Assayeda Elhorra. Ainsi, une relation s’est tissée entre le gouverneur et les Marocains juifs», explicite le personnage Hayim.

«Le travail avec les producteurs me dégage l’esprit»

Trois questions à Brahim Chkiri,  réalisateur de la série «Assayeda Elhorra»

ALM : Comment avez-vous eu l’idée de cette série ?
 

Brahim Chkiri : A vrai dire, elle appartient au scénariste Reda Benazzouza qui me l’a soumise. Nous voulions relater la vie de personnages historiques en fiction. C’est un projet qu’on avait présenté à Medi1TV qui l’a refusé. Pour notre part, nous avons trouvé que les personnages historiques les plus intéressants étaient des femmes. D’ailleurs, les gens ne savent pas qu’il y a beaucoup de femmes qui ont marqué l’histoire du Maroc y compris « Assayeda Elhorra ». C’est une princesse qui était mariée au gouverneur de Tétouan, Elmendri, et qui a pris les rênes du pouvoir après la mort de celui-ci. A l’époque, il y avait une crise socio-économique et culturelle au Maroc puisqu’on était menacés par les Turcs, les Portugais et les Espagnols. Alors elle a réussi à résister à cette situation en gouvernant le nord du Maroc.

Est-ce facile d’allier l’humain à l’historique dans la même œuvre ?

Pas du tout ! Dans notre culture, on prend les personnages historiques pour des dieux et on oublie qu’ils ont des problèmes psychologiques. Or, il faut mettre les personnages historiques dans leur contexte, parler de leur personnalité, leurs angoisses, leurs sentiments et leurs problèmes familiaux. Et le personnage d’Assayeda Elhorra est historique, ayant une personnalité. Elle était amoureuse de son cousin. Finalement, elle s’est mariée à un vieux et a eu une enfant. C’est toute une histoire humaine qui est plus importante et qui entre dans l’Histoire.

Pourquoi ne pas avoir fait la production de la série alors que vous avez une boîte destinée à cet effet ?

Je suis un réalisateur avant tout. Et chacun fait son métier. Ma boî te de production, je ne l’utilise que pour des projets personnels et quand je ne trouve pas de réels producteurs désirant travailler avec moi. A vrai dire, j’aime bien travailler avec les producteurs parce que cela me dégage l’esprit pour faire une œuvre artistique en tant que réalisateur.

«Le Ramadan ne change pas les salaires»

Trois questions à Abderrahmane Tazi, directeur de production

 

ALM : Est-ce que le coût de production s’élève en Ramadan ?
 

Abderrahmane Tazi : Absolument pas ! L’équipe est payée à la semaine et les cachets ne changeront pas quoique le travail soit accompli en ce mois de carême. Déjà il y a une économie d’eau et de repas.   

Que pensez-vous du rendement de l’équipe en ce Ramadan ?

Je pense qu’on arrivera à avoir plus de rendement pendant le Ramadan parce que le personnel est concentré sur son travail. Je ne vois pas en quoi un Ramadan pourrait être un handicap dans l’exercice d’un travail cinématographique ou télévisuel ou encore audiovisuel. Ce mois ne doit pas être celui de repos, de paresse et de bouffe. Nous essayons de conscientiser l’ensemble de l’équipe artistique et technique dans ce sens. Et la compréhension de l’ensemble de l’équipe aide à pouvoir continuer sans problème ni retard ni distorsion du temps. D’ailleurs, on adopte un programme qui tient compte de ce mois de carême. Et le fait de travailler une partie de la journée et une autre en soirée compense le problème de planning.

Quelle a été la réaction de votre famille en apprenant votre travail ramadanesque ?

Vous savez ! Cela fait 50 ans que je fais ce métier. Et ma famille partage ma vie et mon travail. Alors en ce moment de vacances, elle partagera aussi la chaleur de Marrakech avec moi pour le meilleur et pour le pire !

 

Articles similaires

Culture

Clôture du Festival national du Prix Mohamed El Jem pour le théâtre des jeunes

La troisième édition du Festival national du Prix Mohamed El Jem pour...

Culture

L’Ambassade d’Italie et l’Institut Culturel Italien de Rabat participent à la 29e édition du SIEL

L’ambassade d’Italie au Royaume du Maroc et l’Institut culturel italien de Rabat...

Culture

L’art oratoire, un pilier fondamental pour aiguiser les compétences

C’était le thème d’un festival éducatif organisé par l’AREF Beni-Mellal-Khénifra

Culture

Les ICC en Afrique et dans le monde arabe au centre des débats

Première conférence internationale sur «l’ingénierie culturelle et le développement du patrimoine»