Société

Dr Anis Achergui: «Prendre soin de ses articulations : hygiène de vie nécessaire !»

© D.R

Après avoir décroché son diplôme de médecine à Casablanca et entamé sa spécialité, c’est à Montpellier que Dr Anis Achergui s’est découvert un penchant pour la chirurgie des membres inférieurs, notamment du genou. Diplômé en pathologie chirurgicale du genou, en arthroscopie et en chirurgie du sport, le praticien revient sur les différents modes préventifs et des risques qu’encourt un patient s’il ne se prend pas en charge à temps… Son expérience au sein des hôpitaux montpelliérains lui a permis de travailler aux côtés  de grands patrons de l’orthopédie française tels les Professeurs Asencio, Chammas, Canovas et Hostalrich. Et pour aller plus loin dans sa spécialisation, c’est à Lyon (ville connue pour ses praticiens spécialisés dans la chirurgie du genou) que le jeune médecin décida de tenter sa chance. Pour la première fois, un chirurgien arabe et maghrébin de surcroît intégrait l’équipe chirurgicale du centre orthopédique Santy. Cette clinique privée dédiée exclusivement à la traumatologie du sport et à la chirurgie orthopédique a été fondée sous l’impulsion des Docteurs Pierre Chambat et Gilles Walch, mondialement connus pour avoir initié avec Albert Trillat en 1969 la fameuse «Lyon School of Knee Surgery» (École lyonnaise de chirurgie du genou). Grâce à la chirurgie de pointe qui y est pratiquée, ce centre a été rapidement labélisé  «FIFA Medical Center of Excellence» et de nombreux sportifs de très haut niveau (Benzema, Falcao, Trezeguet, pour ne citer qu’eux) se sont fait soigner au sein de ses murs. 12 à 13 patients opérés en moyenne par jour et par chaque chirurgien, 1.200 ligamentoplasties du genou réalisées par an et autant de prothèses du genou et de la hanche posées par an, cette expérience aura définitivement changé le praticien dans sa façon de travailler, d’aborder l’acte chirurgical et sa relation avec ses patients. Une interview inédite par un médecin passionné avant tout par son métier.

ALM: L’orthopédie en France est-elle différente de celle pratiquée au Maroc ?
 

Dr Anis Achergui : Ce n’était pas très différent de ce que je voyais à Casablanca mais chacun a ses habitudes. Il y a peut-être une certaine tradition de dédramatiser le geste chirurgical en général et celui de la pose de prothèse du genou en particulier. Mais cela est plus dû, à mon sens, à un facteur matériel qu’à un facteur humain. Tous les chirurgiens marocains qui ont eu la chance de travailler dans les hôpitaux français vous le diront : les moyens en chirurgie ça compte ! On ne peut malheureusement pas comparer les moyens de leurs hôpitaux et les nôtres; ni leur budget de la santé au nôtre.

Dans quels cas de figure doit-on recourir à un chirurgien orthopédiste ?

Les occasions qui amènent à consulter un orthopédiste sont extrêmement variées. Outre les lésions accidentelles (traumatiques) des os ou des articulations qui nécessitent une consultation avec ce spécialiste dans les plus brefs délais, une série de maladies de l’appareil locomoteur peuvent bénéficier de l’évaluation par ce spécialiste sans pour autant conduire à une intervention chirurgicale systématique. Je fais référence à la  déformation de croissance chez l’enfant, aux dégâts articulaires induits par le sport chez l’adulte jeune, aux problèmes d’usure articulaire (arthrose) chez l’adulte plus mûr et aux complications de la fragilisation squelettique (ostéoporose) chez les seniors. Le spectre de connaissances et l’expérience de traitement des orthopédistes à tous les stades de la vie font de ces derniers les interlocuteurs privilégies des patients soucieux de l’hygiène de leur appareil locomoteur.

La traumatologie sportive est-elle développée au Maroc?

Le Maroc a une ancienne tradition sportive et de grands noms dans ce domaine, que ce soit en football, en gymnastique, en tennis, en athlétisme ou tout autre sport individuel ou collectif. Il était naturel donc que la médecine et la traumatologie du sport puissent se développer en parallèle pour bien prendre en charge ces athlètes. Paradoxalement tous les médecins de sport  marocains ont été formés à l’étranger. À titre d’exemple, la médecine de sport figure bien sur la liste des spécialités à la faculté de médecine de Casablanca mais à ce jour elle peine encore à démarrer pour des problèmes organisationnels.

Quels sont les cas les plus fréquents à ce niveau de traumatisme et quelles sont les populations les plus atteintes par ces traumatismes ?

Entorse, fracture, rupture des ligaments croisés, les traumatismes du genou sont le lot quotidien du sportif. Mais pas seulement. Tous les éléments qui constituent cette articulation, s’ils sont atteints, peuvent compromettre le bon fonctionnement du genou. Exemple, on étire artificiellement l’articulation. Si on tire trop sur les ligaments, c’est l’entorse. Si l’étirement est trop brutal, c’est la rupture des ligaments. Sans oublier tous les cas de fracture des os du genou et des lésions des ménisques. Ces différentes situations nécessitent une intervention chirurgicale. Un ligament rompu par exemple, ne cicatrise pas naturellement. Il est nécessaire de traiter le patient pour lui rendre un genou stable, afin qu’il puisse pratiquer des activités physiques à l’avenir. Dans plus de 80% des cas, la rupture du ligament croisé antérieur survient lors de la pratique de sports à pivot comme le foot, le rugby ou encore le judo. Mais toutes ces lésions peuvent se voir en dehors de la pratique sportive, lors d’accidents de la voie publique (encore très fréquents chez nous) d’accidents du travail ou de chutes.

L’arthrose est le mal du siècle au Maroc. Toutes les femmes après 45 ans se plaignent de genou fragile. Pouvez-vous déjà revenir sur l’arthrose ?

L’arthrose est de loin la première cause de douleurs au genou chez les plus de 50 ans. Elle commence par une détérioration du cartilage puis évolue vers l’atteinte de toutes les structures de l’articulation, en particulier de l’os situé sous le cartilage. Le vieillissement normal du cartilage au cours de la vie ne peut pas provoquer d’arthrose à lui seul. C’est une maladie à part entière, déclenchée par un excès de pression sur le cartilage qui aboutit à une rupture de celui-ci. Des fragments du cartilage fragilisé se détachent alors dans la cavité articulaire, comme des grains de sable. La membrane qui couvre cette articulation (la synoviale) devient inflammatoire. Les douleurs de l’arthrose ne proviennent pas du cartilage endommagé, car il n’est pas innervé (absence de nerf), mais de l’inflammation de l’articulation.

Comment se manifeste la pathologie et quels sont les signaux à détecter pour aller consulter d’urgence ?

Au début, l’arthrose se manifeste plus par une gêne pour pratiquer un sport, marcher, monter et descendre les escaliers. Une vraie douleur intervient à un stade plus avancé. Elle sera diffuse, soulagée par le repos et ne se réveille pas la nuit, sauf lors des changements de position (douleur mécanique). Il existe des poussées inflammatoires pendant lesquelles le genou gonfle et la douleur s’intensifie, y compris la nuit. Cette douleur est souvent accompagnée à un stade plus avancé par des craquements du genou, un dérobement de la jambe, parfois même des blocages. Au stade ultime le genou est déformé, raide et la douleur est permanente non calmée par les médicaments.

Quelles sont les précautions à prendre surtout chez la femme qui semble plus exposée que l’homme ?

Effectivement, la femme ménopausée est plus exposée que l’homme à cette pathologie. Les facteurs de risques d’arthrose sont bien identifiés et certains d’entre eux peuvent être bien contrôlés afin d’éviter la survenue de cette pathologie ou retarder son apparition. Le surpoids est responsable d’une surcharge des genoux. Les lésions des ménisques et des ligaments croisés non ou mal soignées font courir un risque d’arthrose prématurée très fréquente chez la population des sportifs. Les fractures du genou mal soignées peuvent conduire aussi à l’arthrose. On assiste encore dans notre pays à certaines pratiques thérapeutiques moyenâgeuses pour ne citer que Jbira et qui sont responsables de véritables catastrophes médicales et sociales. Pour stopper l’évolution de l’arthrose à un stade précoce par un traitement médical adapté et une bonne hygiène de vie, il faut bien entendu consulter très tôt. Et quand les antidouleurs ne soulagent plus, la chirurgie s’impose. Il existe aujourd’hui des techniques peu invasives. C’est le cas de l’arthroscopie. L’arthroscopie permet de nettoyer l’intérieur du genou en faisant seulement deux petites incisions de moins d’un cm chacune. Le patient n’est donc hospitalisé que quelques heures.

Vous intervenez aussi dans la pose de prothèse. Dans quel cas de figure le chirurgien a-t-il recours à la prothèse de la hanche ou du genou ?

 Chaque année plus de 50.000 prothèses de genou sont posées en France et plus de 300.000 aux États-Unis. Au Maroc, les chiffres ne sont pas précis, mais tous les intervenants sont d’accord pour affirmer que le nombre d’implantations connaît une croissance exponentielle.
La pose de prothèse est l’ultime solution quand l’articulation est trop abîmée pour fonctionner.

Ceci est valable pour le genou mais aussi pour d’autres articulations comme l’épaule, le coude, la hanche et la cheville. Avec une rééducation efficace, il est possible de remarcher avec des béquilles deux jours après l’opération, mais il faut attendre au moins deux mois avant de pouvoir marcher sans aucune aide.

Sensibilisation et  prévention dans  la pathologie du genou chez les sportifs

 

L’alimentation et l’hydratation du sportif doivent être adaptées au sport pratiqué. Un coureur de fond et un haltérophile ont des besoins nutritionnels différents.
 

La préparation physique et l’éducation au geste sportif même pour un sportif occasionnel est très importante et doit être encadrée par un professionnel du moins au début.

La prévention secondaire après un traumatisme évite l’aggravation des dégâts subis et la survenue de complications : d’où l’intérêt de consulter rapidement un médecin spécialiste afin de stabiliser, traiter et réhabiliter la personne blessée dès que possible.

Et enfin une bonne rééducation, quand elle est indiquée, permet d’anticiper de nouveaux traumatismes.

 

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