Chroniques

Par-delà les remparts…

© D.R

Par-delà les remparts est le nom de l’association de jeunes qui s’est créée ce week-end à Fès et qui m’a fait l’honneur de me choisir en tant que parrain.

J’étais donc parmi eux samedi afin d’assister à leur assemblée générale et à leur première activité qui consistait en la distribution de cartables et de fournitures scolaires à 2 écoles de Ain Cheggag, petit village à proximité de Fès. Depuis plusieurs semaines ces jeunes travaillaient d’arrache-pied à la création de leur association au nom très significatif de leur volonté d’agir et d’aller «hors les murs», c’est-à-dire sur le terrain.

De mon côté je me suis efforcé de leur prodiguer aide et conseils mais il faut rendre à César ce qui est à César et dire que l’accueil qui a été réservé à leur initiative par Si Zniber, wali de Fès, a été pour eux un véritable moteur, représentatif de ce qui a été baptisé « nouveau concept d’autorité », le wali a compris l’intérêt d’une telle démarche émanant de jeunes ! Tout comme le gouverneur de Sefrou a su, lui aussi, faciliter les choses concernant l’accès aux écoles. Il est bon de dire quand l’osmose se fait autour d’une action menée par des jeunes car cela contribue à les encourager et à leur montrer que «c’est possible» !

Me concernant, je ne fais ainsi que poursuivre ce en quoi je crois plus que tout : l’émergence de la jeunesse, sa capacité à s’auto-gérer et son besoin de se structurer pour se forger un destin, un avenir. Casa, Rabat, Essaouira, Oujda, Marrakech et maintenant Fès, les jeunes qui prennent le chemin de l’engagement associatif – pérenne- et non pas éphémère occupent aujourd’hui une place et un rôle de poids. Il est urgent que les élus, les autorités locales, les décideurs en prennent la pleine mesure et décident enfin de «compter avec eux» et de nouer un véritable partenariat qui ne soit pas de la figuration. En ce qui me concerne, c’est dans les années 80 qu’est né en moi l’envie, le besoin d’engagement et que j’ai perçu la nécessité vitale de considérer la jeunesse comme un interlocuteur et un acteur de la vie de la Cité. 30 ans après, ma conviction n’a fait que se renforcer. Hélas ! les réticences et la méconnaissance de ce que sont les jeunes -notamment de la part des politiques -restent les mêmes.

Et le vide ainsi laissé est très vite occupé par ceux qui ne cherchent qu’à radicaliser nos jeunes pour en faire de la chair à canon. Né en France, y ayant grandi, éduqué sur les bancs de l’école de la République j’ai toujours été profondément attaché à ma part d’identité marocaine. C’est, je pense, ce qui a fait de moi ce que je suis, et c’est sur ce plan-là qu’aujourd’hui il nous faut agir : l’identité – ouverte, vivante, tolérante –, la culture – accessible partout et à tous -, l’engagement – citoyen, civique et patriote…

Ma «vocation» est née de là, au moment où sur les écrans de cinéma triomphait une jeune maghrébine, Isabelle Adjani, dans un film baptisé «L’été meurtrier» et que sur le terrain les jeunes issus de l’immigration se faisaient tuer par des «tontons flingueurs» : un été meurtrier mais là dans la vraie vie. Je garde leurs noms en mémoire, le petit Taoufik, âgé de 9 ans, abattu à la Courneuve alors qu’il s’amusait à faire éclater des pétards pour fêter le 14 Juillet – fête bien française – Wahid tué à Lyon parce qu’il admirait une voiture d’un peu trop près. Et puis Habib ! Habib Grimzi dont le meurtre donnera naissance au film de Roger Hanin «Train d’enfer». Habib était un jeune Algérien de 26 ans en voyage en France ; il sera défenestré du train Bordeaux- Vintimille par des légionnaires. C’est de là que date l’éveil de ma conscience !

Pour prendre conscience, pour s’impliquer, pour s’engager il faut un «déclic», aujourd’hui chez nous, au Maroc, les moteurs de l’engagement chez les jeunes doivent être la volonté d’agir pour leur présent,  leur avenir, le désir d’être les acteurs de leur vie et non pas spectateurs ou consommateurs, et enfin la conscience que si eux-mêmes les jeunes générations ne «se mêlent pas de ce qui les regarde», c’est-à-dire le vivre-ensemble, l’ouverture, le progrès, la modernité intelligente… alors les tenants du verrouillage des esprits, du repli étriqué auront vite fait de leur couper les ailes.

L’agression dont a été victime un jeune skateur à Larache par un adulte violent qui n’appréciait pas ce «sport efféminé» en est un lamentable exemple. Ce que j’ai vécu ce week-end à Fès avec les jeunes de Par-delà les remparts m’a une fois de plus conforté dans mon engagement et dans l’idée que je m’en fais: des jeunes à leur image existent à travers tout le pays, ils n’attendent qu’un geste, une main tendue, un conseil, une reconnaissance, un déclic pour franchir le pas qui les sépare de l’autonomie, de la prise de responsabilité, de la conscience de leur force et de leurs capacités. A nous adultes de comprendre ce qu’ils attendent de nous. Y sommes-nous prêts ?

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