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Baisse des taux : Une fausse bonne idée ?

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Les taux débiteurs repartent à la hausse alors que les taux servis aux épargnants flanchent… BAM fait le point et le gouvernement prend des mesures

L’Etat compte profiter d’un cash pléthorique sur le marché avec des taux qui vont être certainement attirants, ce qui risque de capter une bonne partie des épargnants.

Cela va faire une année jour pour jour que la banque centrale a baissé son taux directeur à 1,5%. Une année après, des interrogations sont soulevées concernant l’impact réel de cette mesure. Alors que Bank Al-Maghrib (BAM) s’apprête à tenir son deuxième conseil d’administration de l’année en cours, un point devrait être fait sur les mesures monétaires décidées par la banque centrale depuis le déclenchement de la crise sanitaire. En attendant, les chiffres sur le terrain ne trompent pas. Après une baisse de quelques mois, les taux débiteurs appliquée aux crédits contractés par les clients repartent à la hausse. C’est la banque centrale elle-même qui le reconnaît. Dans son enquête sur les taux débiteurs datant de quelques semaines à peine, Bank Al-Maghrib relève un taux de 4,45% au premier trimestre 2021 contre 4,42% au T4-2020. «Par secteur institutionnel, le taux appliqué aux crédits aux particuliers s’est établi à 5,19% contre 4,98% un trimestre auparavant et celui assortissant les prêts aux entreprises non financières à 4,23% après 4,28%.

Pour les entreprises non financières privées en particulier, le taux s’est situé à 4,25% au T1-2021, avec un taux de 3,89% pour les grandes entreprises (GE) et de 4,89% pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME)», avait expliqué la même source. Face à ces données, la baisse du taux directeur serait-elle une fausse bonne idée ? Sur le marché, des sources bancaires atténuent le constat d’une hausse des taux puisque les résultats de l’enquête représentent des moyennes générales et ensuite parce que les décisions sont prises concernant les taux appliqués selon les dossiers de chaque client particulier ou entreprise. Mais il y a un hic. Si les taux des crédits repartent à la hausse, les taux servis aux épargnants suivent un chemin inverse. La baisse du taux directeur ne profite pas pleinement aux demandeurs. Pire, elle semble parfois pénaliser les épargnants. Le gouvernement semble vouloir sauver les meubles avec deux principales actions qui sont dans le circuit. Il y a tout d’abord l’emprunt national.

L’Etat compte profiter d’un cash pléthorique sur le marché avec des taux qui vont être certainement attirants, ce qui risque de capter une bonne partie des épargnants. Ensuite, un projet de loi a été introduit dans le circuit d’adoption. Une action qui pourrait provoquer une rupture puisque le projet de loi n°51.20 modifiant et complétant la loi n°103.12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés instaure de nouvelles dispositions concernant le plafonnement des taux de crédits. L’article 51 qui permettra au ministre des finances, conformément aux décisions, de déterminer le taux maximum des intérêts conventionnels pour chaque type d’opération de crédit. Concrètement, l’article en question stipule que «le ministre chargé des finances peut fixer par arrêtés, après avis du comité des établissements de crédits, pour l’ensemble des établissements de crédits, pour chaque catégorie ou sous-catégorie et/ou pour chaque type d’opération de crédit, les taux maximum des intérêts conventionnels et les taux d’intérêts pouvant être appliqués à l’épargne et aux opérations de crédits et les conditions de distribution de crédits».

Baisse

C’est en juin 2020 que les autorités monétaires du pays avaient décidé une deuxième baisse consécutive du taux directeur. En effet, après une première baisse en mars 2020, Bank Al-Maghrib avait annoncé une deuxième baisse de 50 points de base fixant son taux directeur à 1,5%.

Pour rappel, la banque centrale avait également décidé de libérer intégralement le compte de réserve au profit des banques. Ces décisions ont été actées lors de la deuxième réunion trimestrielle de Bank Al-Maghrib tenue mardi 16 juin 2020.

Ces deux décisions sont intervenues après une analyse et une évaluation de l’évolution de la conjoncture économique et sociale aussi bien au niveau national qu’international ainsi que les réponses apportées par les autorités en vue d’atténuer les effets de la pandémie de Covid-19. La banque centrale avait assuré à l’époque qu’au «regard de la conjoncture particulière qui prévaut, la banque veillera, plus que par le passé, à la transmission de ses décisions à l’économie réelle et fera le point régulièrement à ce sujet avec le plus haut management du système bancaire».

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Changement

Le projet de loi n°51.20 modifiant et complétant la loi n°103.12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés va permettre d’agir directement sur les taux de crédits par les autorités gouvernementales. Cela dit, l’article 51 laisse penser que le plafonnement décidé par l’autorité gouvernementale pourra être limité à une catégorie d’établissements ou un type de société de crédit.

Il s’agit d’une très grande nouveauté à un moment où l’Etat entend jouer sur les dispositifs financiers pour dynamiser l’économie, agir sur la création d’entreprise et aider les porteurs de projets à accéder plus aisément aux moyens de financement. De même, les établissements de crédits auront leur mot à dire avant chaque décision sur le plafonnement puisque l’amendement proposé prévoit de solliciter l’avis du comité des banques avant la décision finale qui sera prise par le ministère des finances.

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