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Transition économique et écologique de l’industrie manufacturière : L’Afrique à la croisée des chemins…

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Le dernier rapport de McKinsey & Company atteste d’une possible redirection de la trajectoire économique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur manufacturier en Afrique. L’objectif étant d’arriver à la neutralité carbone. Concrètement, 6 millions d’emplois verts pourraient être créés dans le secteur.

Les détails.

McKinsey & Company vient de publier un rapport intitulé Africa’s Green Manufacturing Crossroads: Choices for a Low Carbon Industrial Future.
Tel que le titre le spécifie, ce travail met en exergue un continent africain à la croisée des chemins.
Les auteurs rappellent les enjeux. Le secteur de l’industrie manufacturière africaine doit s’aligner sur les efforts mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce travail propose et analyse les différents leviers à mettre en place pour réaliser cette double transition écologique et économique. En découleront de nouvelles opportunités d’investissement pour l’Afrique.
Selon Kartik Jayaram, associé senior du bureau de McKinsey à Nairobi, «les choix faits par le continent africain seront déterminants pour concilier industrialisation et croissance verte».
Pour lui si les opportunités de croissance de l’industrie manufacturière sont nombreuses, la transition vers une industrialisation durable sous-entend plusieurs défis.
«’La moitié des infrastructures industrielles susceptibles d’émettre des GES, en 2050, ne sont pas encore présentes en Afrique. L’industrie manufacturière a donc la possibilité de faire un saut technologique, en privilégiant le développement de solutions à faible émission carbone. Cette stratégie permettrait d’éviter une forte dépendance aux énergies fossiles et les coûts liés à la transition de la filière combustibles vers les énergies renouvelables, telle que constatée dans les pays développés. Cette perspective ouvre, également, la voie à une économie africaine plus compétitive, résiliente et durable», explique-t-il. La décarbonation du secteur est importante. Car les émissions de l’industrie manufacturière africaine pourraient presque doubler d’ici à 2050 !
«Dans la course mondiale vers la neutralité carbone, de nombreux pays hors Afrique se sont déjà engagés à atteindre des objectifs ambitieux, en adoptant un cadre réglementaire et fiscal permettant de réguler les émissions de GES de biens importés. Face à cette évolution, le secteur manufacturier africain pourrait voir sa compétitivité réduite et se retrouver dans l’incapacité de répondre aux nouvelles exigences d’exportation à l’échelle internationale’’, poursuit Jayaram.

5 secteurs de l’industrie manufacturière à fortes émissions de gaz à effet de serre

Les recherches montrent que «l’industrie manufacturière africaine émet actuellement environ 440 mégatonnes d’équivalent de CO2 (Mt éq CO2), soit 30 à 40% du total des émissions africaines». Environ 80% des émissions se trouvent concentrées dans 5 industries à fortes émissions : le ciment (32% des émissions totales de l’industrie manufacturière africaine), la transformation du charbon en liquide, (13 %), le raffinage du pétrole (5%), le fer et l’acier (6%), l’ammoniac (4%).
Par ailleurs, le rapport a révélé que la majorité des émissions manufacturières de l’Afrique (75%) sont concentrées dans quatre pays : l’Afrique du Sud (37%), l’Égypte (20%), l’Algérie (10%) et le Nigeria (7%). Ceci pour des raisons telles que leur niveau de développement, la taille de leur population et la part de l’industrie manufacturière dans le PIB. Les recommandations des experts convergent vers trois scenarii pour enclencher cette transition énergétique.

3 scenarii de décarbonation pour une industrialisation verte en Afrique

Le premier scénario repose sur l’hypothèse que «les pays africains honorent leurs engagements actuels en matière de contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, sans se lancer dans la décarbonation».
Le second scénario mondial, guidé par les CDN, suppose que «les engagements de l’Afrique en matière de CDN sont alignés sur la moyenne mondiale». Les auteurs du rapport rappellent aussi que ces deux scénarios correspondent en grande partie à la situation actuelle. «La plupart des leviers dont dispose l’industrie pour atteindre ces objectifs impliquerait des améliorations relativement peu coûteuses des sites industriels, avec quelques investissements dans de nouvelles capacités utilisant des technologies déjà disponibles ou en développement à court ou moyen terme». Enfin, le troisième scénario de la neutralité carbone est le plus ambitieux. Il suppose une Afrique ayant passé le cap dans sa transition écologique. Ce scénario suppose que l’industrie manufacturière africaine utilise tous les leviers disponibles pour réduire fortement ses émissions d’ici 2050.
Selon Adam Kendall, associé du bureau de McKinsey & Company à Lagos, «l’intensification du recours aux énergies renouvelables dans le secteur de l’électricité est essentielle pour atteindre la neutralité carbone. Moins il y aura de demande des secteurs émissifs, plus les secteurs alternatifs à faibles émissions se généraliseront».

Les implications économiques de la décarbonation

Il faudrait un investissement de 2.000 milliards de dollars supplémentaires dans les secteurs de l’industrie et de l’électricité au cours des 30 prochaines années pour que l’Afrique atteigne sa neutralité carbone. Cela dit, la décarbonation de ces secteurs ouvre des perspectives de croissance et de création d’emplois favorables, permettant ainsi à l’Afrique de rester compétitive à l’échelle mondiale. ‘’Alors qu’environ 2,2 millions d’emplois pourraient être perdus à l’échelle mondiale en raison de l’obsolescence de certaines technologies, 3,8 millions de nouveaux emplois pourraient voir le jour d’ici à 2050 dans le secteur manufacturier. Cette croissance serait principalement motivée par le développement de nouvelles entreprises vertes, des flux d’investissement en hausse dans les énergies renouvelables, principalement l’hydrogène, le solaire et l’éolien, ainsi que la complexité accrue de certains processus», précise Jayaram.

24 nouvelles opportunités économiques dans des secteurs porteurs

Le rapport identifie, en effet, 24 nouvelles opportunités économiques, dans des secteurs porteurs de croissance verte, tels que l’agriculture, les biocarburants, les matériaux de base, l’énergie, les emballages et les plastiques, les transports, ainsi que les textiles et les vêtements.
Vicky Ford, ministre chargée de l’Afrique au Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement, déclare qu’il est urgent d’agir : «Le changement climatique favorise les conflits, l’insécurité alimentaire et a un impact sur les moyens de subsistance dans toute l’Afrique. À mesure que le secteur manufacturier du continent se développe, il est essentiel de veiller à ce qu’il ne contribue pas au changement climatique. Une approche verte de l’industrialisation pourrait stimuler un développement économique plus large en offrant de nouveaux investissements et de nouvelles opportunités d’emploi sur tout le continent. Ce rapport, soutenu par l’aide du gouvernement britannique (UK Aid), présente un argument opportun en faveur des investissements verts».
Les auteurs du rapport sont unanimes. «Alors que l’Afrique fait face aux répercussions de la pandémie de Covid-19, il est nécessaire de penser une croissance économique plus durable». En clair, le continent est à la croisée des chemins et peut choisir la voie d’un avenir industriel à faible émission de carbone.
Les enjeux sont clairs.

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