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Selma Bargach : «Depuis longtemps j’avais le désir de mettre à l’écran un personnage fragile»

© D.R

Ces enfants sont souvent confrontés au rejet et à l’abandon généré par une société où les êtres sont perdus, parce que préoccupés par leurs problèmes et dominés par leurs égos.

ALM : Votre deuxième film «Indigo», réalisé en 2017, est sorti enfin dans les salles obscures, après avoir été retardé plusieurs fois à cause de la crise sanitaire, quelle est votre impression ?
Selma Bargach : Nous devions le sortir en avril 2020 mais il y a eu le confinement. Le film a continué à être projeté en ligne dans des festivals. Malgré cette crise sanitaire nous étions tenus avec les productrices d’Agora Films de sortir le film après un certain délai. Quand les salles ont ouvert, il y a eu la ruée et nous avons dû attendre notre tour. Cette période de crise sanitaire est difficile mais on n’a pas le choix.

Votre film aborde plusieurs thèmes sociaux, à savoir la souffrance des enfants différents, le harcèlement scolaire… Quelle est votre intention à travers ce film ?
Mon intention était de raconter une histoire autour d’un enfant indigo (ceux-ci sont des enfants hypersensibles dotés de fortes intuitions) et plus généralement du monde de l’enfance où il est souvent douloureux de parler de soi, voire impossible, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer la différence. Ces enfants sont souvent confrontés au rejet et à l’abandon généré par une société où les êtres sont perdus, parce que préoccupés par leurs problèmes et dominés par leurs égos. C’est cette forme d’aliénation de l’individu dans un environnement de moins en moins à l’écoute de son monde intérieur et de sa spiritualité qui m’a inspirée. Depuis longtemps j’avais ce désir de mettre à l’écran un personnage fragile, balloté entre trois univers, scientifique, traditionnel, et spirituel, et de montrer les limites de chacun d’entre eux dans un Maroc contemporain en prise avec des idées reçues.

Le rôle principal (Nora) est campé par la jeune Rim Kettani, était-ce facile pour vous de trouver cette fille ?
Plusieurs séances de casting ont eu lieu jusqu’à ce que j’aie rencontré Rim Kettani en qui j’ai trouvé une grande potentialité. J’ai tout de suite su que ce serait elle. Je lui ai fait faire des essais avec Mohamed Wahib Abkari qui joue le rôle du frère. J’ai adoré leur complicité. Ils étaient sur le même diapason comme de vrais frère et sœur. J’ai pu effectuer le casting dans un grand confort. Je n’aurais pas pu achever ce film sans le soutien des productrices Souad Lamriki et Bénédicte Bellocq.

Le film met également en scène des acteurs marocains bien connus sur la scène cinématographique à l’instar de Khouloud Bétioui, Karim Saidi, Malek Akhmiss, Aicha Mahmah… Comment s’est fait le choix de cette sélection ?
J’avais adoré diriger Khouloud sur mon premier long métrage «La 5ème Corde». Je l’avais en tête pendant l’écriture. Khouloud est un rôle aussi important que ceux de Rim Kettani et de Marwa Khalil. C’est un rôle dur où elle devait complètement sortir des personnages qu’elle a incarnés dans les autres films alors que Marwa devait jouer un personnage bohème, un peu perché. Karim Saidi a commencé sa carrière en jouant dans un de mes courts métrages et j’avais envie de renouveler l’expérience après son très beau parcours en lui proposant un personnage affaibli par sa peur de l’engagement. Que ce soit Karim Saidi ou Malek Akhmiss, j’aime beaucoup leur personnalité, leur jeu. Ce sont deux grands comédiens. Au-delà du rôle du professeur narcissique qu’interprète Malek Akhmiss, il y a aussi un personnage qui symbolise les écueils du système éducatif.
Cela a été un vrai honneur qu’Aicha Mahmah, cette immense actrice, accepte d’incarner le personnage de la voisine «la berguaga» comme on en connaît tous mais qui fait partie de ce lot de personnages égarés. Et il y a tous les autres grands acteurs comme Fadoua Taleb, Sarah Perles, mais aussi Rabii Skalli, Souad Mokrini, Jalal Bouftaim, Mohamed Boughaba, Ahmed Oulad, Brahim Hachoumi, Naima Oumad, Najia Tourougui qui ont accepté d’apparaître dans des scènes importantes.

Le film a été projeté dans plusieurs festivals internationaux (Fespaco, Festival africain de Khouribga, Zanzibar International Film Festival…), quels sont les échos que vous avez eus de son accueil ?
Indigo a voyagé à travers le monde et remporté plusieurs récompenses dont le Prix de la critique africaine Paulin Soumanou au Fespaco et le prix prestigieux du CIFEJ décerné aux meilleurs films internationaux dans lesquels des enfants jouent. Il y a eu également d’autres prix dont celui de meilleure actrice pour Khouloud au Festival du film africain de Khouribga et également au Festival ciné ville de Casablanca ; meilleur film africain au Festival du film
Mashariki, meilleur scénario au Festival Ecrans Noirs, et d’autres prix. Le film a fait le tour du monde, États-Unis, Afrique, Europe, … et à chaque fois j’étais heureuse de voir des salles pleines, des débats animés, et de belles critiques. Mais ce qui m’a le plus surprise c’est qu’à chaque fois il y a des personnes du public qui sont venues me remercier d’avoir choisi de parler des enfants indigo parce qu’ils se reconnaissaient complètement dans Nora et que c’est la première fois qu’un film en parle dans nos sociétés arabes et africaines.

Quels sont vos projets ?
Tout ce que je peux dire c’est que je suis en pleine écriture de mon troisième long métrage.

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