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Quel portrait ! «Le mieux-être de la jeunesse pour étendard de vie !»

© D.R

Philippe Dayan, journaliste de renom -aujourd’hui installé à Essaouira-, m’a fait l’honneur d’écrire un portrait sur ma modeste personne.
Par sa sympathie, son honnêteté, sa franchise et son engagement dans la cause solidaire, aussi bien humaine qu’animale, Philippe Dayan a réussi à faire parler de moi comme je le fais peu souvent.
Merci pour son beau portrait, auquel j’espère ressembler…
Je vous en livre quelques extraits car il me servira de préambule pour mon futur ouvrage en cours d’écriture «Chroniques de terrain en temps de Covid»
«Très engagé, par ses nombreuses actions sur le terrain, en faveur de l’insertion par l’éducation d’une jeunesse chérifienne où les moins de 25 ans représentent plus de 40% de la population globale, celui dont le cœur et les racines se répartissent à part égale entre la France et le Maroc apparaît depuis plusieurs années comme une figure de proue d’un militantisme à résonance socio-pédagogique.
C’est à la mi-mai dernier, lors de sa venue à Essaouira pour la mise en orbite, simultanément à Rabat et dans la cité des alizés, en partenariat avec l’ambassade de France au Maroc et l’Association française des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMÉA), de la première édition de la formation JIL (Jeunesse/Insertion/Leadership) donnant l’opportunité à 50 jeunes issus des 4 coins du Royaume, et déjà impliqués de manière bénévole sur le terrain associatif, de se voir dispenser tous les outils et techniques indispensables d’animation et d’encadrement d’un public plus spécifiquement d’enfants et d’adolescents, avec délivrance d’un diplôme à son issue, que nous avons rencontré celui dont nous suivons les actions depuis plusieurs années déjà par l’entremise des réseaux sociaux. Si notre idée de lui consacrer un portrait a quelque peu surpris cet homme à l’affabilité chaleureuse mais un rien réservée – «Vous savez, ma vie n’a rien de particulièrement intéressant à raconter pour des lecteurs» -, à peine lui demande-t-on de se remémorer les circonstances l’ayant amené à consacrer une bonne partie de son existence à se battre contre les injustices, l’exclusion, le racisme de tout acabit, et à s’engager au quotidien en faveur d’un meilleur avenir pour la jeunesse de son pays, que le voilà à dérouler bien davantage qu’un simple récit autobiographique, celui d’un véritable sacerdoce dont peu d’entre nous sont en mesure de faire montre …

Sous le signe d’une double culture
C’est à Paris, la ville-lumière, qu’il voit le jour. D’origine franco-marocaine, afin de ne pas le couper de sa double origine, sa mère prendra toujours le soin de l’envoyer chaque année, au moment des grandes vacances, y passer 2 mois consécutifs. Il en résultera un lien très fort avec le Royaume chérifien que le jeune Ahmed traduira plus tard par la mise en place de nombreux jumelages entre des villes françaises et marocaines…
Alors que certains se rêvent, très tôt, de devenir médecin, avocat, pilote de ligne, ou policier, lui n’avait pour fil d’Ariane que les mots de médiation, dialogue, règlement des conflits, avec le but d’en faire la synthèse en embrassant la profession d’éducateur de rue.

Un élan précoce pour l’associatif
Plutôt brillant élève, après l’obtention d’un baccalauréat littéraire, il choisit d’entrer à l’École Normale. Un enseignement de 3 années dont il enrichit l’aspect de pure réflexion intellectuelle et théoricienne par un certain nombre de stages en immersion dans l’un des quartiers dits «sensibles» de la capitale, en l’occurrence celui de la Goutte d’Or dans le 18ème arrondissement, à l’est de la Butte Montmartre, reconnu depuis la fin du XIXème, avec les différentes vagues d’immigrants qui s’y sont succédé (italiens, espagnols, ressortissants du Maghreb, pays de l’Est, et plus récemment subsahariens) comme le plus cosmopolite et multi-éthnique des espaces parisiens.
S’il réussit haut la main ses études, lui dont la sensibilité aux injustices et la double culture l’ont toujours tenu en éveil sur les évolutions économiques et sociétales commence à éprouver les plus vives inquiétudes avec la montée en puissance du Front National et de son leader Jean-Marie Le Pen à l’orée de la décennie 1980.

Un incessant combat contre toutes formes de discrimination
Aux discours à charge contre les immigrés assortis de diatribes ouvertement axées sur l’exclusion et le racisme se conjugue en lui le choc profond, quasi d’ordre tellurique, de la vision du film «Train d’Enfer» réalisé par Roger Hanin, et sorti sur les écrans en 1985.
Un long-métrage tiré de l’histoire vraie et tragique d’Habib Grimzi, et qui provoqua, en 1983, un séisme au sein de la société française. En novembre de cette année-là, ce jeune algérien de 26 ans avait été battu à mort et défenestré du train Bordeaux/Vintimille, entre les gares de Montauban et Castelsarrasin par 3 jeunes candidats à l’engagement à la Légion Étrangère qui, ce jour-là, avaient décidé de «casser du bougnoule» …
«Tous ces éléments ont éveillé en moi une fibre profondément militante qui m’a conduit à tourner le dos à une brillante carrière toute tracée dans l’enseignement pour m’engager totalement dans la mouvance associative», dit celui qui, après l’écoute de Radio Beurs en 1983, avait participé à la première grande marche contre le racisme allant de Marseille à Paris.
Il fonde alors l’association «Hors la zone» en 1992 afin d’œuvrer dans ce quartier marginalisé de la Goutte d’Or. Durant cette même période, en 1993 précisément, Martine Aubry, dont les fonctions de ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle avaient pris fin après la victoire de la droite aux élections législatives, décide de mettre en orbite la Fondation «Agir contre l’exclusion» (FACE) en partenariat avec 13 grands groupes économiques français, avec pour objectif de mobiliser les entreprises afin de lutter contre l’exclusion, de favoriser l’innovation sociale et d’apporter un soutien actif à des initiatives locales de lutte contre toute forme d’exclusion.

De l’âpreté de la rue aux lambris dorés des ministères !
Par le biais de Lionel Jospin, rencontré à plusieurs reprises dans les années 1980, lorsque celui-ci était député du 18ème arrondissement de Paris, le chemin d’Ahmed Ghayat croise celui de Martine Aubry. Ainsi qu’il le dit sans ambages, la femme, tant dans sa personnalité à l’emporte-pièce que dans sa dynamique politicienne, le séduit complètement au point de les amener à engager plusieurs collaborations sur le terrain de l’insertion et de la lutte contre toutes formes d’exclusion.
En 1997, seconde cohabitation oblige, la nomination par le président Jacques Chirac de Lionel Jospin comme Premier ministre amène celui-ci à faire appel à Martine Aubry pour prendre le portefeuille de ministre de l’emploi et de la solidarité.
Pour la composition de son équipe, elle propose à Ahmed Ghayat, qui l’accepte, le poste de conseiller sur les sujets touchant à l’immigration et à l’intégration. Et le voilà œuvrer aux côtés d’Olivier Faure (qui prendra la tête du Parti Socialiste en 2016), Anne Hidalgo (future maire de Paris), et Benoît Hamon.
Une première aventure ministérielle de 3 années qui s’achève avec le départ de Martine Aubry en octobre 2000 pour s’en aller briguer le mandat de la mairie de Lille (qu’elle occupe depuis le 25 mars 2001).
Remplacée à ce même ministère de l’emploi et de la solidarité par Élisabeth Guigou, cette dernière demande à Ahmed Ghayat qui, lui aussi, préparait ses cartons, de demeurer à ses côtés. Ce qu’il fera jusqu’en 2002 …

Le Maroc jamais loin
Remarqué pour ses engagements et actions associatives en faveur de la jeunesse immigrée, en particulier marocaine, il se voit décerner, en 1998, par l’ambassadeur du Maroc en France au nom du Roi Hassan II le très prestigieux Ordre du Ouissam alaouite, l’équivalent de la Légion d’honneur française. Et en 1999, il se verra convier par le Prince Mohammed VI, en compagnie d’autres Marocains expatriés connus (dont l’humoriste Jamel Debbouze) à assister à la première action de la Fondation Mohammed V que celui-ci avait mise en place l’année précédente.
Cette même année 1999 où il assistera tout à la fois aux obsèques du Roi Hassan II décédé le 23 juillet et inhumé 2 jours plus tard, et à l’intronisation du nouveau Souverain Mohammed VI auquel il prête allégeance.
À l’issue de son parcours au sein des ministères français, il prend la décision de faire une pause de 6 mois au Maroc. Mais le destin en décidera autrement. Le 16 mai 2003, 12 jeunes commettent l’un des pires attentats que le Royaume ait connus en déclenchant leurs ceintures d’explosifs dans différents quartiers de Casablanca. Les 33 victimes qui en résultent plongent alors le pays dans un tel traumatisme qu’Ahmed Ghayat met spontanément en place le mouvement «Touche pas à mon pays» et réussit à mobiliser un million de personnes autour d’une grande manifestation dans les rues de la capitale chérifienne pour dire non au terrorisme.
Conscient de l’absolue nécessité pour le Maroc de lutter contre l’idéologie mortifère des fanatiques religieux et de son influence galopante, en particulier auprès d’une jeunesse désœuvrée et, souvent, en situation de déscolarisation, il s’y installe alors totalement.

Un engagement de tous les instants
Une nouvelle option de vie qui amènera cet infatigable apôtre du bien vivre ensemble et de l’ouverture aux autres quelles que soient leurs origines culturelles et sociales, leurs couleurs de peau ou leurs religions, à fonder en 2009 l’association Marocains Pluriels. Son objectif : prôner les valeurs d’ouverture, de tolérance et de partage, ainsi que la volonté de contribuer à l’avancement du Royaume chérifien sur la voie de la modernité.
Une action au quotidien sur le terrain amenant l’association à encourager les jeunes afin de leur permettre de devenir acteurs de la vie de la cité, et de prendre en main leur destin, à promouvoir le vivre-ensemble et à encourager le développement du champ culturel en tant que solution à nombre de maux de la société.
Toujours dans cette optique d’ouverture et de respect, Ahmed Ghayat a également mis en place en 2013 le Ftour Pluriel. Devenue une véritable tradition, cette initiative a été reprise notamment à Marrakech, à Beyrouth, à Tunis, à Paris et à Montréal. Son but : rassembler musulmans, juifs et chrétiens – entre autres – autour d’un repas de rupture du jeûne du mois de Ramadan, sous le signe de la spiritualité, de la paix et de la fraternité.
Celui qui signe également chaque semaine des chroniques pour le quotidien généraliste «Aujourd’hui Le Maroc» compte à son actif la publication de 8 ouvrages tels «Mots pour maux», «Demain sera eux», «De l’autre côté du soleil», ou bien encore «La saga des Beurs d’origine marocaine en France» (un 9ème «Chroniques de terrain en temps de Covid» composé de portraits de jeunes est à paraître prochainement), est également l’initiateur du Club Salam Lekoulam, une expression mêlant arabe et hébreu, et qui signifie «Paix pour tous».
Lancée d’abord sous la forme d’une page Facebook, cette nouvelle association, dont le président d’honneur est André Azoulay, conseiller spécial auprès de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et président de l’association Essaouira-Mogador, avec lequel il a noué des liens très étroits d’amitié, a pour ambition d’unir les forces, les compétences, les talents et la diversité des Marocains, musulmans et juifs, pour les mettre au service de leur dénominateur commun, le Maroc, et de son peuple dans sa diversité.

Soutenir les jeunes pour mieux préserver la paix sociale
À peine achevée, la première édition de la formation JIL qu’Ahmed Ghayat est déjà dans les starting-blocks de la nouvelle édition (la 6ème, après 2 ans de mise entre parenthèses pour cause de pandémie de Covid-19, qui se tiendra du 10 au 12 juin prochain) du Forum euro-méditerranéen des jeunes leaders à Essaouira.
Depuis 2015 en effet, la cité des alizés devient le théâtre de cet événement qui rassemble plusieurs centaines de jeunes venus de pays du pourtour méditerranéen et porteurs d’un fort engagement citoyen. L’ambition de cette manifestation est de contribuer, en mettant en réseau ces personnalités d’avenir à l’intégration de ce fameux espace euro-méditerranéen encore trop souvent considéré avec dédain par nombre de pays européens.
Ainsi que le dit notre interlocuteur en guise de conclusion au récit de son parcours n’ayant vraiment rien d’un long fleuve tranquille : «Je suis depuis toujours un militant associatif et culturel. Pour moi, la jeunesse représente l’avenir et la culture représente la clé de l’insertion et de l’épanouissement personnel. Je cherche en permanence à marier les 2 car lorsque l’on permet à la jeunesse d’accéder à la culture et que l’on implante la culture dans la proximité, alors c’est l’exclusion, c’est le repli, c’est l’obscurantisme qui reculent» …

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